Le vent est à l’Est, la brume est là. C’est comme si sans prévenir une chose se passait. 54 années après avoir marqué à jamais le cinéma, Mary Poppins, la meilleure de toutes les nounous revient. Alors qu’Emily Blunt doit reprendre le rôle mythique de ce personnage interprété autrefois par Julie Andrews, le réalisateur Rob Marshall a la lourde tache de relever un défi de taille en faisant revivre la féérie d’antan. Y parviendra-t-il?
Fiche Technique
Réalisé par Rob Marshall
Genre : Comédie musicale, Fantastique, Animation
Film Américain
Durée : 2h10 environ
L’histoire
Londres, dans les années 30, en pleine Grande Dépression. Michael et sa sœur Jane sont désormais adultes. Alors que Jane habite à l’autre bout de la ville, Michael, veuf, n’a pas quitté la maison familiale, vivant désormais avec ses trois enfants et Ellen la gouvernante. Quand des huissiers l’avertissent de la saisie prochaine de ses biens ainsi que de sa maison pour cause d’emprunt non payé, Michael et Jane risquent de perdre tous leurs souvenirs. Par quel miracle s’en sortiront-ils? Ni une, ni deux, le vent se met à souffler et, par-delà les nuages surplombant la ville, Mary Poppins réapparait…
La suite qui renouait avec l’esprit du premier ?
Renouer avec l’esprit d’un film aussi vieux que Mary Poppins n’a jamais été chose facile. A l’annonce d’une suite, plus d’uns ont été sceptiques. Et ils avaient de quoi. En vue du peu de revival ayant réussi à être aussi bons que leurs prédécesseurs vieux de nombreuses années, plus que jamais, la méfiance était de rigueur. Le parfait exemple, la suite de la série X Files virant plus à la parodie feignante qu’à une vraie suite dans le ton de ce qui avait fait son succès autrefois. Ici, même si le fossé se trouve plus grand compte tenu de la date de création de l’œuvre et de son format, on ne peut pourtant s’empêché d’éprouver un ressenti similaire.

Mary Poppins, le grand classique de Disney, son chef d’œuvre, sa perfection en tous points sortie en 1965. En 54 ans, on peut dire que le cinéma a bien changé que ce soit en terme technique et social. A l’heure où les attentes et mentalités ne sont plus du tout les mêmes que dans les années 60, Le retour de Mary Poppins, en plus de voir tout son casting originel changer totalement, allait-il faire retrouver aux fans de la première heure tout ce qui avait bouleversé leur enfance ? Serait-il fidèle à l’esprit du premier film mélangeant prises de vues réelles et animations en 2D ? Les chansons et les danses les accompagnants seraient-elles aussi mémorables ? Emily Blunt allait-t-elle se montrer digne de l’interprétation de Julie Andrews ? Tant de questions à se poser, tant d’anxiété ressentie pour nous les fans refusant qu’on souille une nouvelle fois toute notre enfance.
C’est un fait logique, pour une suite à Mary Poppins : personne ne remplace Julie Andrews et Dick Van Dyke. Mary Poppins, symbole d’espoir montrant que les choses peuvent toujours s’arranger quelques soit les difficultés rencontrées, un film apprenant autant aux enfants qu’aux adultes à se servir de leur imagination, leur donnant une sacré leçon de vie. Beaucoup de fans de la meilleure des nounous attendaient cette suite au tournant, se demandant s’ils seraient face à une vraie suite et non pas un remake caché. Et il y avait aussi cette autre peur : le fait d’être désormais un adulte ne voyant plus les choses avec les yeux d’un enfant, risque-t-il de saboter la séance au point d’en fausser le jugement sur le film?
Fermez donc la bouche Michael vous avez encore l’air d’un poisson hors de l’eau. Et Jane Banks, toujours une fâcheuse tendance à ricaner.
Tout ce qui s’envole, un jour se pose
Suite au reboot? Suite, il est bien question de suite dans Le retour de Mary Poppins. Notre suite, bien qu’incluant de nouveaux enfants, propose de redécouvrir ce qu’a été Mary Poppins à travers les points de vue de Jane et Michael, désormais adultes. Choix d’acteurs excellents, Ben Whishaw et la pétillante Emily Mortimer, on y croit à leur interprétation. Attention, bien qu’omniprésents dans notre histoire, nous nous attarderons aussi sur les trois enfants de Michael: Annabel, John et Georgie, le plus petit et rebelle de la bande.
Très vite, visuellement parlant, les fans du premier opus naviguent en terrain connu, retournant sur les lieux de leur enfance, comme la cathédrale Saint Paul, la célèbre allée des Cerisiers, retrouvant au passage des têtes connues comme l’amiral Boom et son assistant Monsieur Boussole secouant toute la maison des Banks à chaque tire de canon. Le retour de Mary Poppins, de part sa nouvelle histoire, on en attendait beaucoup.
Difficile d’entrer dans l’ambiance et ce dès les premières secondes lorsque nous nous rendons compte que le thème musical propre à Mary Poppins, on l’a modifié et que Jack, le remplaçant de Bert, il n’a omit de faire comme son prédécesseur : casser le quatrième mur et communiquer en quelque sorte avec le spectateur. Première douche froide et ce ne sera pas la seule. Des regrets, on en a et on a même beaucoup trop.

Cette suite a beau proposer de folles aventures grâce à des effets spéciaux modernes : prendre le bain le plus spectaculaire de toute l’histoire des bains, faire un tour de calèche au pays de la Porcelaine et se rendre au Royal Doulton Music Hall où vous attendent animaux peints à la main et numéro de cabaret envouteur, rendre une petite visite à la cousine de Mary Poppins, apprendre à parler le falotier (l’allumeur de réverbères), et j’en passe, elle n’arrive pourtant pas à donner envie de sauter dans l’écran pour se joindre aux personnages.
Sachez que rien n’est impossible, pas même l’impossible.
Peu de surprises
Mary Poppins oblige, l’aventure, on l’a vie en chansons. Dans le premier, les musiques était extraordinaires, les chansons mémorables, entrainantes, joyeuses au point de parfois réussir à nous faire verser une larme. C’est là qu’on tombe de haut en se rendant compte que nos oreilles ne vont pas ressortir avec la patate. Clairement, nous sommes à des années lumières de cette bande originale parfaite à 100%.

Le hic des chansons du Retour de Mary Poppins vient du fait que les mélodies ne collent pas aux paroles pourtant profondes de chaque titre proposé. Trop banales, trop quelconques pour devenir mémorables comme l’avaient été les « Chem-Cheminée », « Supercalifragilisticexpialidocious », et « Laissons-le s’envoler ». Pourtant avec le titre « Où vont les choses ? », chanson abordant le thème du deuil en l’expliquant correctement aux enfants, on tenait là une petite pépite. Un Mary Poppins, une comédie musicale sans chansons entrainantes et bouleversantes alors que les chorégraphies sont excellentes, ça n’aura que pour conséquences de rater une bonne partie du film aussi soigné soit-il, allant jusqu’à le faire souffrir de nombreuses longueurs.
Même si cette véritable suite propose un nouvel enjeu, elle ne peut s’empêcher, sans doute par respect pour l’œuvre originale et ses inconditionnels, de prendre un chemin similaire, de dépoussiérer des scènes cultes et les modifier histoire de ne pas se retrouver pointé du doigt pour copiage. Ainsi, on se retrouve avec du déjà vu version modernisé : le ballet des ramoneurs cède sa place au ballet des allumeurs de réverbères, la dame aux pigeons installées au pied de la cathédrale Saint Paul devient ici une vieille dame vendant des ballons « magiques », le mémorable Supercalifragilisticexpialidocious qu’on ne prononce que quand on ne sait pas quoi dire, a trouvé son pseudo remplaçant en la personne du Luminomagifantastique. Panne d’inspiration ? Surprenant de la part des studios Disney. Cependant, subsistera une idée de génie en voyant deux objets mythiques de Mary Poppins, détenir un lien avec la suite : le cerf volant et les 2 Pens de Michael, enfant. Cet élément, il aura au moins relevé un poil le niveau du scénario.

Le problème du retour de Mary Poppins ? Il a peur. Peur de se mettre à dos les fans nostalgiques où ceux demandant de la nouveauté et non pas du copiage. Tiens, ça rappelle un certain Star Wars Le réveil de la force… . Imaginez un peu la pression pour un réalisateur de dépoussiérer un film si vieux et emblématique, et en faire une suite ? Oui, il est vrai que Rob Marshall propose quelque chose d’à la fois nouveau mais similaire à ce que l’on connait déjà mais il n’arrive pas à nous faire retrouver l’esprit de tout ce qui avait fait que Mary Poppins avait gagnée notre cœur.

Surtout, l’interprétation de certains acteurs et actrices laisse à désirer (les enfants en tête de liste, sauf la petite Pixie Davies, digne successeure de Karen Dotrice alias Jane Banks enfant). Pour certaines et certains, ça sent l’interprétation faussée comme s’ils étaient en pilote automatique. Résultats des courses, Le retour de Mary Poppins manque cruellement d’émotions réelles. Même la participation de Colin Firth en neveu de Mr Dawes Jr (Dick Van Dycke cette fois n’a plus besoin d’artifices pour jouer les vieil hommes), et Mery Streep en cousine Russe excentrique de Mary Poppins, même la réussite des costumes d’époque, n’y changeront rien. C’est un fait, la plastique, le faciès des acteurs et actrices d’aujourd’hui, ne vaut pas celui de ceux des années 60. C’est peut être ça le réel souci de cette suite.
Miséricorde, ils ne changeront donc jamais.
Au final, une frustration, une tragique déception, voila ce que Le retour de Mary Poppins a eu comme effet en fin de séance. Bien que d’un point de vue philosophique, photographique et imaginatif, ce soit une réussite totale, ça ne sauvera en rien ce petit gout d’amertume ressentit en fin de séance. Le retour de Mary Poppins ne se résumera donc qu’à l’enjeu de l’histoire, son coté coloré, ce passage mélangeant prise de vue réelle et dessin en 2d, l’interprétation magistrale d’Emily Blunt rayonnante tant dans son jeu que dans ces pas de danses, ainsi que le caméo mémorable, réjouissant et ici, émouvant d’un Dick Van Dycke égal à son talent. Force est de constater que malgré tous ses petits défauts, cette suite aussi imparfaite soit elle, redonne néanmoins gout au merveilleux, proposant enfin quelque chose de nouveau aux enfants bombardés de super héros. A ceux là et à leurs parents, direction le cinéma. Allez, youpla ! Le 17 allée des Cerisiers n’attend plus que vous.